Je ne reviens pas les mains vide car en Mars, l'exhumoir s'immobilise de nouveau du coté de la Meinau à Strasbourg pour raviver la mémoire du plus important constructeur alsacien de l'entre deux guerres :
Emile Mathis est un personnage incontournable de l'automobile tricolore qui a connu plusieurs étapes dans son aventure automobile qui s'acheva par son décès au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale.
Il aborde l'automobile en 1901 avec la création d'une socièté de maintenance multimarques dans laquelle on retrouvera les productions du
Baron De Dietrich avec qui il noue une relation commerciale de qualité.
Ses fréquentes visites à l'usine de Niederbronn le mettront en rapport avec un jeune orfêvre italien de l'automobile
Ettore Bugatti d'où naitra une véritable amitiée fort précieuse pour la suite des évènements !
En effet on retrouve les deux comparses associès en mars 1904 dans la
"Mathis & Compagnie" un bureau d'études dont l'objet est la conception par Bugatti et la commercialisation par Mathis de l'
Hermes une automobile dont la production est assurée par l'usine de matériel ferrovière SACM d'Illkirch-Graffenstaden.
Vue de l'usine SACM Quelques exemples de productions SACM Si
l'Hermes s'inspire naturellement des dernières
De Dietrich elle s'en démarque par d'importantes innovations telles que l'embrayage composé désormais d'un disque unique accolé sur le volant du moteur rendant ainsi plus aisé le passage des vitesses.
Notons qu'à l'instard des Mercedes cette boite de vitesses était de type "baladeur" permettant ainsi au conducteur de passer celles-ci dans l'ordre de son choix.
Seules une dizaine d'Hermes furent vendues dont deux à Adolf Langen Directeur technique de la
"Gasmotoren Fabrik Deutz" où bugatti finira par travailler à la suite de sa séparation avec Mathis en 1907.
La désinvolture de Bugatti à s'occuper du service après vente des Hermes en circulation semble avoir été à l'origine du mécontentement de la clientèle et pour protéger sa seconde activité de concessionnaire Mathis ne souhaita pas renouveller le contrat qui les liait lors de son expiration en mars 1907.
La seconde étape de l'aventure automobile d'Emile débute en 1911 avec l'inauguration de la fameuse usine de la Meinau avenue de Colmar à Strabourg et qui voit tomber des chaines les premières véritables Mathis avec notamment la Baby.
Usine Mathis à la Meinau Je vous recommande vivement de visiter le site d'où provient ce cliché ... à ne pas manquer ! 1911_ Mathis Baby La croissance de l'entreprise est phénoménale si bien que rapidement la "Socièté des Automobiles Emile Mathis" se mue en socièté anonyme pour accompagner son essor que seule la guerre parviendra à mettre entre parenthèses.
Francophille de coeur, Mathis aura la double joie de redevenir français et de retrouver intacte son usine lors de son retour à Strasbourg si bien que dès 1919 la production reprend avec un cyclecar, des 4 puis des 6 cylindres modernes.
Rapidement
Citroën est le lièvre derrière lequel Mathis lance ses levriers dont le premier sera sa 10cv SB en réponse à la 10cv au double chevron !
La Mathis était bien mieux doté technologiquement parlant car à sa sortie en 1919 elle disposait elle de 4 vitesses, de 4 ressorts entiers et d'un cadre de châssis complet !
L'époque est aux records à battre notamment ceux pour la sobriété des moteurs dans lesquels la marque s'impose souvent d'où son fameux slogan publicitaire :
" LE POIDS VOILA L'ENNEMI !" Avec l'adoption des nouveaux standarts d'interchangeabilité des pièces entre modèles et de nouvelles chaines de production de plus de 750 métres venus d'outre-atlantique, le nombre de voitures produites par jour est multiplié par 10 pour atteindre plus de 100 en moins de 4 ans !
1925 marque une nouvelle génération d'automobiles dont les carrosseries adoptent le système "Weymann" , c'est l'époque des caisses "carrées" chez Mathis avec ses GM, MY et EMYSIX dont la haute calandre arbore désormais la célèbre flamme olympique .
La firme, 4éme constructeur français, poursuit son dévelopement en installant des usines de production en région parisienne et en Allemagne avant de tenter l'aventure américaine en 1930.
Emile Mathis passe à cette date un accord de production avec GENERAL MOTORS pour produire à Détroit dans l'usine de Lansing sa 7cv type PY.
L'accord était grandiose car 200000 unités devaient y être produites soit le double de toutes les Mathis produites pour comparaison !
1931_ American Mathis PY Malheureusement la crise économique fit capoter l'affaire mais petite consolation pour Emile, sa 7cv innovante equipée de freins hydrauliques rencontra tout de même un grand succès sur le vieux continent !
Dans ses valises, la firme a rapporté de nombreuses nouveautés américaines comme la boite à double prise directe, la roue libre mais surtout le pont à denture hypoïde qui remplacera définitivement les pont arrière à taille Gleason à la libération !
Le début des années trente marque un emballement de l'empire Mathis tant au niveau de la multiplicité des modèles qui parfois se cannibalisent entre eux, de la montée en puissance des moteurs (jusqu'à 5.3 litres de cylindrée pour la Super Mathis) et de la diversification de ses activités dans des domaines plus ou moins rentables en cette période trouble (services financiers, immobiliers, produits pétroliers ...).
1933_ Camion Mathis La crise fragilise le groupe qui ne peut même plus compter sur son activité "véhicules utilitaires" pour pallier la chute des ventes des voitures de tourisme qui dès 1933 se concentre quasiment exclusivement sur la très moderne 8cv Emyquattre.
1933_ Mathis EMY4 Ce modèle de crise est bien accueilli par la clientèle mais ses ventes ne suffisent pas à equilibrer les comptes de Mathis qui aux aboies se tourne alors vers FORD pour conclure un accord industriel marquant la troisième étape de l'aventure.
1934_ Mathis-Matford EMY4 Les termes de cet accord stipulaient que Mathis mettait à disposition de Ford en contrepartie d'avantages financiers sa puissance industrielle en France pour écouler sous la marque MATFORD le nouveau V8 de FORD.
C'est ainsi qu'en 1935 voit la naissance de la Matford V8 Alsace, une jolie automobile à carrosserie aérodynamique embouties chez Chausson au dessin proche des dernières Chenard&Walker et qui malgrès l'accord signé eclipsera peu à peu les Mathis transformant ainsi l'usine de la Meinau en chaine de montage Ford !
Un des premier catalogue MATHIS-MATFORD 1936_ Matford Alsace V8 Un procès s'en suivra et donnera raison en 1939 à Emile Mathis mais la guerre ne lui permettra jamais de relancer la production automobile dans son usine malgrès ses projets VL333 et 666 présentés après guerre et qui resteront malheureusement sans suite commerciale grâce à notre ami Pons !.
1946_ Mathis VL333 1948_ Mathis 666 Si l'usine de la Meinau est à reconstruire Mathis y montera tout de même quelque tracteurs Moline à partir de 1949 avant que les reste de l'empire soit revendu à Citroën en 1952.
Quand au site de Gennevilliers, il continuera quelque temps à produire des moteurs aéronautiques, de l'électroménager et des scooters Bernardet jusqu' à sa fermeture définitive en 1953.
A bientôt
Pitcats