je me suis remis à parcourir les sombres dédales de notre nécropole automobile pour m'arreter devant souvenir terni d'une marque prestigieuse malheureusement oubliée de tous et ce malheureusement bien avant sa disparition officielle en ... 1950 !
Avec donc un peu de retard , je vous propose de redécouvrir la mère de toutes les marques de luxes française, celle qui marqua son temps par une aura dépassant celles de Rolls-Royce, Hispano-Suiza ou Mercedes qu'elle supplantait dans de nombreuses cours royales, impériales ou républicaines.
Ce joyau du savoir faire tricolore en terme de très grand luxe nous vient de Saint-Denis où les propriétaires d'une célèbre fabrique de chaudronnerie décidèrent en 1904 de diversifier leur production de chaudières à haut rendement dites " à bouilleurs" en se lançant dans la conquête du marché automobile naissant par le haut du panier.
1850 _ Chaudière à tubes
Vous l'avez sans doute reconnue, il s'agit de la vénérable firme
Pierre et Robert Delaunay-Belleville avec l'aide précieuse de Marius Barbarou mirent au point pour leur premier modèle H4-6 un 6 cylindres en ligne à trois blocs de 3.6 litres dont l'absence de vibrations fera la renommée de la firme.
Barbarou mis notamment au point un système de lubrification sous pression par pompe oscillante ainsi qu'un carburateur vertical.
1905_ H4/6 servant à la cour du Tsar
1909_ 1A6
Cette imposante limousine de 1750kg arborait un radiateur rond en référence aux chaudières construites pour les bateaux de l'époque et cet appendice deviendra très rapidement un signe de pouvoir et d'élégance pour des acheteurs (très) fortunés et fidèles à la marque jusqu'au premier conflit mondial.
La firme qui auparavant avait équipée en chaudières les marines de guerre anglaises, russes, américaines, françaises, grecques, italiennes et espagnoles n'eut semble t'il pas rencontré de gros obstacles lorsqu'elle démarcha l'élite de ces nations à propos de ses productions automobiles dont la discrétion en faisait une distinction de haut vol !
1907- Publicité
1909_ 40hp du Tsar
Les superlatifs seront monnaie courante aussi bien pour le soin extrême apporté à la réalisation de chacune de ces limousines véritable chef d'oeuvre de l'automobile que pour la montée en puissance de la cylindrée des moteurs maison dont le plus puissant atteindra 7998 cm3 !
Si les grands de ce monde comme le Tsar Nicolas II, les rois Georges 1er et Alphonse XIII ou le Maréchal Joffre utilisèrent avec beaucoup de satisfaction ces véhicules, il est à noter que le premier hold-up motorisé d'une banque en France le fut avec l'aide précieuse d'une puissante limousine Delaunay-belleville soit plus de trente ans avant le gang des tractions ou la fuite de Fantômas au volant d'une Delage !
De grands noms de la carrosserie habilleront les châssis de la firme tel que D'Ieteren, Rhulmann, Labourdette, Bouteiller, Brewster ou Mulliner mais si la firme connu un redémarrage satisfaisant après guerre elle fut confronté au dilemme de produire plus pour réduire les coût de production tout en conservant la richesse d'un travail artisanal forcément très onéreux.
En effet, la guerre ayant profondément modifié le profil des acheteurs potentiels, la firme perdu ses fiefs et avec ses repères alors que la concurrence française (Delage, Bugatti, Hispano) et étrangère (Rolls-Royce, Minerva, Cadillac, Isotta-Fraschini) peu à peu la distançait.
Malgré d'excellentes automobiles comme les S1 S4 et S6, le blason de la firme dans les année 20 est déjà sérieusement terni par une banalisation de ses produits qui n'arrivent plus à se démarquer de la concurrence.
1925_ Publicité 25/30 par Rhulmann
1929_ 2 Litres
1930_ S1
L'entreprise prône contre vent et marée un luxe discret alors que les nouveaux riches aiment se montrer aux volant de flamboyantes automobiles dans lesquelles ils peuvent être vu et reconnu bref le monde a changer et accroché à la nostalgie des années folles, Delaunay-Belleville verra peu à peu ses carnets de commande se vider au profit de firme plus ostentatoires qui trouveront d'avantage grâce aux yeux des enfants de ses clients fidèles mais vieillissants !
Barberou et Kégresse partis depuis longtemps, l'entreprise a perdu son âme et bientôt elle abandonnera ses moteurs trop chers à concevoir pour importer des Etats-Unis des 6 cylindres Lycoming et 8 cylindres Continental certes de bonne qualité mais indigne de l'image passée de la firme qui creuse peu à peu sa propre tombe.
Le pire est à venir lorsqu'en 1937, Delaunay-Belleville présente discrètement son dernier né la R16 2.3litres qui n'est rien d'autre qu'une copie conforme de la toute récente Mercedes 230 ... un comble absolu pour cette firme qui jadis toisait de ces phares à acétylène la Benz du Kaiser !
Bien entendu peu de clients partiront au volant de cette voiture si proche de celles arborant l'étoile qui équipent la police nazi outre Rhin !
La messe aurait pu être dite avec la 2nde Guerre Mondiale mais l'ombre fantomatique de la marque refera surface en 1945 à la surprise de ceux qui connaissaient encore Delaunay-Belleville, avec la présentation d'une version américanisée de la 2.3litres qui sera construite au compte goutte jusqu'en 1948 date à laquelle elle céda sa place aux minicars Rovin.
Malgré le rachat des installations par Rovin, la firme sera encore présente dans le répertoire des constructeurs jusqu'en 1950 après quoi on en entendit plus jamais parler.