Cette semaine nous allons nous interesser à l'association du diplomate François Rolland et du génie mécanique Emile Pilain.
Tout commença de manière fort modeste en 1906 à Tours lorsque les " Etablissements Rolland-Pilain" s'installe dans un petit atelier sis au 95 de la rue Victor Hugo.
La jeune firme fait rapidement parler d'elle sur le plan sportif avec notamment une victoire spectaculaire sur le circuit de glace de Gérardmer où s'affrontent encore de nos jours de superbes bolides dans le cadre du "Trophée Andros".
Du coté des premiers modèles civils on trouve dès 1907 deux automobiles dont la conception se rapproche des "Vermorel" ce qui n'est en fait pas un hasard car avant de voler de ses propres ailes Pilain y fut responsable technique.
Parallèlement à la compétition où la marque se forge une réputation de robustesse et de fiabilité hors normes, Pilain consacre toute son énergie pour mettre au point et déposer le brevet d' un nouveau concept de moteur 6 cylindres dont la particularité est d'être dépourvu de soupapes ce qui fait de notre jeune firme tourangelle un suspect inventeur au yeux de l'américain Charles Yale Knight .
Ce dernier d'ailleurs privera Rolland-Pilain de goûter aux fruits de son invention en traînant sans succès la marque française devant les tribunaux sous le prétexte fallacieux de plagia.
Ce combat juridique n'arrange pas la trésorerie de nos associés qui ne peuvent compter sur leur insignifiante production automobile pour couvrir les énormes investissements consentis dans la recherche technique et la compétition très gourmandes en fonds.
Le financement de leur légitime ambition passe par une entrée au Palais Brognard grâce à la vente de titres de la nouvelle "Société Anonyme des Etablissements Rolland-Pilain".
L'introduction en bourse de cette firme est un véritable succès si bien qu'en 1911 la firme installe son quartier général dans une ancienne fabrique de chaussures sur la Place Rabelais à Tours et ouvre une maison de vente à Paris suivi très rapidement par un atelier de maintenance installé au 15 rue Rivay à Levallois-Perret.
Dès lors la firme va connaître le succès commercial notamment en 1913 avec un modèle emblématique le type RP 9 et 10cv qui restera en production presque pendant deux décennies !
C'est d'ailleurs avec lui que la firme enregistrera un fait d'arme promotionnel spectaculaire suite à une audacieuse et inimaginable traversée de l'Afrique à son volant.
Malheureusement le démon de la compétition plombe de nouveau gravement les comptes de l'entreprise qui profitera d'une pause "guerrière" entre 1914 et 1918 pour se rétablir financièrement grâce aux commandes d'obus et des fameux moteurs aéronautique 9 cylindres étoile de Gnome & Rhône dont elle assure la sous traitance dans ses ateliers.
L'après guerre sera l'apogée de la marque qui parviendra à imposer de 1923 à 1926 sa superbe C23 2 litres dans la bonne société parisienne où figuraient alors en bonne position les As de la Grande Guerre dont certains comme le recordman de vitesse Sadi Lecointe s'illustreront avec succès au volant des Rolland-Pilain.
De nouveaux ateliers ainsi qu'une succursale sont installés aux 83 et 85 Route de la Révolte à Levallois-Perret et un somptueux magasin d'exposition est inauguré en très grande pompe au 100 de l'Avenue des Champs-Elysée à Paris ... quel trajet parcouru depuis les débuts provinciaux !
Préparation du GP de San Sebastien
Mais le ciel s'obscursi pour "l'As des voitures, La voiture des As" avec l'arrivée des premiers soubresauts de la crise économique et dès 1927 Lucien Rolland qui a succéder à son père et Emile Pilain sont évincés du Conseil d'administration de leur société suite au départ d'un de leurs principaux actionnaires le motoriste Gnome & Rhône.
Cette date marque une charnière dans l'histoire de la marque car d'un coté la firme continuera à "vivoter" sous la férule du carrossier Kelsch et d'un autre coté les fondateurs historique de la firme fondèrent une nouvelle structure baptisée la "Société des Automobiles Emile Pilain".
Kelsch s'empressent dès lors de fermer l'usine tourangelle qui employa jusqu'à 300 ouvriers et déménage les ateliers parisiens dans l'ancienne usine Bignan située au 24 Boulevard de la Mission Marchand à Courbevoie.
Pour la petite histoire, cette usine appartenait jusqu'alors à la société M.O.P spécialisée dans la machine outil et dont le fondateur un certain Galy avait tenté en vain de sauver la moribonde Bignan.
Les locaux devenu trop grands pour cette société agonisante il organisa un échange de site industriel avec Kelsch qui lui céda alors les atelier Rolland-Pilain de Levallois-Perret eux plus petits.
De cette vaste usine auraient du sortir en remplacement des tourangelles 9 et 10 cv RP une 4 cylindres 1500cm3 (type D26) et une 12cv 6 cylindres (type F28) mais il semble que seule la D26 y fut véritablement construite.
En effet pour le lancement de la F28, un raid promotionnel "Paris-Hanoi" fut entrepris en 1928 par le pilote émérite Gustave Duverne qui à son arrivée triomphante au volant de la belle appris qu'en raison du dépôt de bilan de Rolland-Pilain son exploit ne servi finalement à rien !
L'histoire se trouble dès lors car un ersatz de société semble reprendre vie en 1929 sous un "concordat" de créanciers à la tête desquels l'on retrouve notre fameux Galy et le pilote Gustave Duverne qui rapatrient la production dans les nouveaux ateliers Bignan de la Route de la Révolte à Levallois qui pour ceux qui suivent ne sont autres que les anciens locaux Rolland-Pillain du temps de sa splendeur... !
Le conditionnel devient de rigueur dès que l'on aborde la période 1930-1932 car si le projet de monter des voitures hybrides avec des moteurs américains 6 cylindres de 3 litres et 8 cylindres de 4 litres fut évoqué rien ne prouve qu'une véritable production ait découlé de la présentation fantomatique de quelques prototypes badgés RL.
Toujours est il que le doute est permis car dès 1931, date de la liquidation pure et simple de Bignan, on sait que Rolland-Pilain termina misérablement son existence dans un minuscule local au 35 de la rue Kléber à Levallois et qui autrefois avait servi de dépôt au service Compétition de l'entreprise ... bref ce qui est sur c'est que la marque disparu à jamais au cours de l'année 1932 dans la plus grande indifference générale malgrès les efforts surhumains de Duverne pour la sauver .
Lucien et Emile quand à eux installe leur nouvelle société en juin 1927 dans un entrepôt situé au 1 rue Vergniaud toujours à Levallois afin d'y organiser dans un premier temps l'entretien courant de différentes marques pour autofinancer la fabrication de leur nouvelle 5cv type T29 "Emile Pilain".
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Cette automobile petite par sa taille a néanmoins une très grande classe et surtout elle étrenne un nouveau système de transmission par courroies qui trente ans plus tard sera développé à plus grande échelle par DAF !
Malheureusement son prix de vente rendu excessif en raison de la noblesse des matériaux utilisés et d'une fabrication au compte gouttes la met hors jeu face aux concurrentes de chez Donnet, Mathis ou Citroën dont les performances sont supérieure à la T29 en raison d'un embonpoint certain.
La firme consciente de son erreur stratégique tente un baroud d'honneur en lançant en 1931 sa nouvelle 7cv type C2 mais le temps n'est plus à la construction quasi artisanale et la société disparaît la même année.
@+ Pitcats